Équinoxe

NOUS QUI NE SAVONS RIEN D’AUTRE QUE PARLER DE LITTÉRATURE

C’est septembre et alors que la race humaine se crée des rituels pour passer le temps, nous nous retrouvons sur les bords de cette vieille maison, nous nous rassemblons parce qu’il va falloir se battre sérieusement si nous ne voulons pas perdre la face ou le jeu.

C’est septembre et en attendant la suite, on porte des toasts et on lève des verres en l’honneur de ces promesses qu’on espère tenir, en l’honneur de ces dieux qu’on espère encore de notre bord quelque part dans ce monde.

C’est septembre et la nuit promet d’être longue parce que nous ne ressortirons pas d’ici avant d’être allés au fond des choses, pas avant de s’être dit tout ce qu’il y avait à dire, ce soir : ce soir, c’est la grande explication.

C’est le soir et l’alcool mélangé à ces vents frais de l’automne font l’effet d’étranges ultimatums ou de grands coups de dés : tout risquer pour se refaire une vie.

Dans sa poésie, Pier Paolo Pasolini écrit :

« Les premiers à être tués, ce sera nous,
Jeunes poètes qui peut-être ne seront plus poètes,
Nous qui ne savons rien d’autre que parler de littérature
Avec ce même amour que les bêtes sauvages ont pour le soleil. »

Chacun des douze protagonistes porte cette épitaphe.

C’est l’histoire d’un groupe qui se pose la question de la radicalité du théâtre : quand l’art n’est pas un divertissement, pas un métier, pas un travail, ni une envie ou une lubie, mais quand l’art doit être une réponse à la réalité.

Les personnages se retrouvent et discutent de commettre une nouvelle pièce. Que signifie faire du théâtre dans un pays où le conflit est compris comme agression ? Que veut dire parler, que veut concrètement dire parler ? Comment engager les mots et refuser la communication qui ne compte que sur la vente ? Pourquoi le théâtre est l’art du dialogue et que représente ce dialogue ? À quoi sert l’art de la parole s’il n’implique pas une réaction brutale ? Qu’est-ce qu’une réplique si elle n’est pas en même temps une riposte ?

Équinoxe pose la question centrale du groupe dans cette histoire de faire du théâtre, le groupe comme possibilité de l’art et comme possibilité politique de l’art. Parce que si le théâtre n’est pas essentiellement politique, s’il n’est pas fondamentalement polémique et d’abord une révolte, pourquoi parler encore de théâtre ?

Nous vivons dans un pays monstrueusement en paix, notre cité ne voit plus très bien à quoi peut servir l’art, nous ne savons plus exactement pourquoi nous veillons très tard pour invoquer de vieilles utopies, mais nous avons la mémoire séculaire et la vision mappemondiale, et nous savons qu’il existe des paroles à réveiller les morts et à incendier les institutions.

Hugo Fréjabise
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L’heure est proche. Ce n’est ni un banquet, ni un ring, ni une salle de parlement. C’est notre début à nous : avec la nuit, nous commençons. Équinoxe : quand le jour est égal à la nuit, sur la plaine, les discours se mêlent et s’équivalent, comme pour nous permettre de changer de masque et de repartir à zéro. Remplis de doute, mais sans jugement.

Pouvons-nous faire du théâtre à Montréal comme on en fait en Palestine, avec la confiance désespérée de pouvoir changer quelque chose ? Nous reste-t-il encore des raisons de résister et de nous battre, en dehors de l’inexplicable appel à le faire ? Serons-nous prêts à nous déplacer et à risquer nos vies pour comprendre celle d’un autre ? Que restent-ils aux artistes d’aujourd’hui, quand les siècles de discours et de désillusions sont à la fois le signe de leur luxe et leur perdition ? 

Ils ne restent peut-être que les mots, à reconquérir comme un territoire, une syllabe à la fois. Discursus, c’est discourir. Action de courir çà et là, entre ici et là-bas, entre jadis et un jour, entre les guerriers, les faux prophètes et les fous. Prêts ou pas, on arrive.

Elissa Kayal

« La pièce nous invite ainsi à réfléchir au rythme d’un texte sublime et percutant. Hugo Fréjabise a fait un véritable travail sur la langue, jouant sur les multiples sens que peut avoir un mot, utilisant métaphores et effets de style avec perspicacité. »

Adèle Doat, Le Délit

« […] une œuvre percutante écrite par Hugo Frejabise et interprétée par des comédien.nes talentueux à découvrir au plus vite. »

Jérôme Bouclet, atu​vu​.ca

« […] ces comédiens démontrent une belle aisance sur scène et qu’ils se donnent à fond dans des joutes verbales souvent étoffées […] »

Marc-Yvan Coulombe, Les ArtsZé

 

Joussour Théâtre est une compagnie de théâtre établie à Montréal qui crée et diffuse des spectacles à travers l’Amérique du Nord, l’Europe et le Moyen-Orient. Joussour pense le théâtre comme un espace et un temps qui convoquent une communauté dans ses oppositions et ses confrontations, mettant en scène le conflit comme principe politique et le dialogue comme principe poétique.