Si j’avais la seule possession dessus le jugement dernier

Erik Charpentier

une coproduction du Théâtre d'Aujourd'hui, du Cercle Vicieux et de Momentum

Salle principale

du 17 janvier au 13 février 1997


RÉSUMÉ

Classie Molitor Junior débarque de loin et de n'importe où. Des macaques lui volent son coeur et la belle Donna le lui remplace par une huitre. Sur son chemin, Classie croise Meaux Lastie et DeVille, s'amourache d'Eugénie Zerangue, dans la nuit tropicale hantée par le méchant Gustave Mauvais et les Défunts Créoles.

texte Erik Charpentier mise en scène Jean-Frédéric Messier interprétation Michel Bérubé, Ellen David, Stéphane Demers, Jean Harvey, Charles Maheux, Lucie Paul-Hus assistance à la mise en scène Jean Gaudreau musique originale Luc Bonin, Nicolas Letarte scénographie et accessoires Olivier Landreville costumes Linda Brunelle éclairages et projections Martin Labrecque sonorisation Serge Tremblay maquillages et coiffures Angelo Barsetti régie Josée Kleinbaum direction technique et de production Marie-Claude Joly

texte

Erik Charpentier

mise en scène

Jean-Frédéric Messier

interprétation

Michel Bérubé

interprétation

Ellen David

interprétation

Stéphane Demers

interprétation

Jean Harvey

interprétation

Charles Maheux

interprétation

Lucie Paul-Hus

Trois étés passées, en fin d'après-midi, alors que j'étais de passage à Montréal, Jean-Frédéric Messier me présente Cercle Vicieux. Fred m'avait parlé d'eux comme de gens intéressés à monter certains de mes textes. En marchant dans les rues après cette rencontre, je me disais que j'avais peut-être rencontré des personnes qui me ressemblent. Mais en même temps, j'ai reconnu l'isolement car, tout en étant comme eux, j'appartiens aussi à autre chose. J'éprouve toujours ce sentiment quand je reviens à Montréal: tout m'est familier parce que j'ai grandi ici; mais cette familiarité m'est aussi étrangère, parce que je l'ai quittée.
De retour chez moi, en Louisiane, j'ai passé quelques jours à inventer l'histoire de Classie Molitor Jr. à qui on a mis une huitre à la place du coeur. Pourquoi une huitre? Parce que sans coeur, il fait noir. Et que sur le trottoir en face de chez Black's où on vend des huitres à Abbeville, une nuit de juin, il faisait très noir.

Le spectacle que vous allez voir ce soir ressemble à un endroit entre le sud du Deep South et le nord des Caraïbes. Mais il ressemble aussi à ceux qui vous le jouent. Il est très étrange pour moi de revenir à Montréal pour quelques semaines, dans les circonstances qui nous entourent ce soir. Il n'y a rien chez moi, sur Clinton St. à Lafayette, qui aurait pu présager ce soir.

Tout comme la côte louisianaise qui longe le Golfe du Mexique, les personnages de ce spectacle sont en pleine érosion. Ce qu'ils disent annihilent ce qu'ils auraient pu être. Le titre du spectacle renvoie à cette notion qui entend que si j'avais la seule possession sur ce que je dis, s'il n'y avait pas ce bris constant entre l'image de mes dires et ce que je dis, la vie ne se déroulerait pas comme elle se déroule. Si j'avais la seule possession sur ce que je dis, tout cela aurait été hier; et aujourd'hui serait différent.

Erik Charpentier

Les maux à Fred

En 1989, un dénommé Erik Charpentier me contactait. Il avait écrit deux courtes pièces, Chien et Rutilante Chrysler, et souhaitait les voir montées ou tout au moins en recevoir des commentaires. Comme beaucoup de gens tombant pour la première fois devant les textes d'Erik, j'ai été séduit par une écriture extrêmement singulière. Mais cette bête étrange me laissait perplexe. Je lui ai demandé quel genre de théâtre il aimait. Il m'a avoué qu'il détestait le théâtre, que ça l'ennuyait profondément. Là, il commencait à vraiment m'intéresser. Mais alors, pourquoi écrivait-il des textes de théâtre? Réponse: « Ce sont des mots pour brasser des molécules d'air, des dialogues qui sont comme des riffs des Stones, pis des monologues comme des solos de guitare. » Je me suis dit qu'on était fait pour s'entendre. Les textes d'Erik sont pratiquement incompréhensibles s'ils ne sont pas lus à haute voix et la preuve qu'ils sont définitivement théâtraux est qu'ils prennent tout leur sens uniquement quand ils sont joués par des acteurs. Du bonbon.

Avec Momentum en 1991, j'ai décidé d'inclure Omerville dans la ratatouille que fut Nuits Blanches. Cette pièce a donné le ton à un spectacle qui incluait aussi le travail de six autres auteurs. Ce texte d'Erik m'a poussé à redéfinir l'idée que l'on se fait de la culture comme étant une chose noble. Pour les interprètes et pour plusieurs de ceux qui ont vu le spectacle, les personnages imaginés par Erik ont laissé une marque indélébile. Six ans plus tard, je peux encore dire ses textes par coeur, comme on se répèterait une espèce de prière païenne qui ne veut rien dire en soi mais qui rend l'existence presque endurable.

Puis le Cercle Vicieux eut la céleste idée de monter une pièce complete d'Erik. Comme ce dernier n'est pas ce qu'on appelerait un « auteur dramatique professionnel » - ce qui fait partie de son charme - nous avons travaillé ensemble pour aboutir au merveilleux gumbo que nous avons l'honneur de vous présenter ce soir.

Ce fut pour nous tous un périple extraordinaire dans l'univers de cet auteur devenu notre ami. Nous vous souhaitons un voyage tout aussi magnifique en compagnie de Classie, perdu quelque part entre le sud de la Louisiane et le nord des Caraïbes.

Jean-Frédéric Messier

Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui est entièrement dédié à la dramaturgie d’ici. Depuis plus de cinquante ans, il supporte la création, la production et la diffusion d’œuvres québécoises et canadiennes d’expression française. Il défend un théâtre d’auteur ainsi qu’une réflexion moderne et sans compromis sur les enjeux contemporains. Adhérer au CTD’A, c’est laisser sa trace dans l’histoire ; la nôtre, celle qui s’écrit au présent. 
 

PRODUCTION

une coproduction du Théâtre d'Aujourd'hui, du Cercle Vicieux et de Momentum